Homélie pour la messe de rentrée 2021 de l'enseignement catholique — Diocèse de Blois

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Diocèse de Blois

Homélie pour la messe de rentrée 2021 de l'enseignement catholique

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Homélie prononcée par Mgr Batut le 26 septembre 2021
lors de la messe de rentrée de l'enseignement catholique
Cathédrale de Blois

Dimanche 26 septembre 2021                                                                                Cathédrale

26e dimanche ordinaire B

Envoi en mission des chefs d’établissement de l’Enseignement catholique

Nb 11, 25-29

Psaume 18B

Jc 5, 1-6

Mc 9, 38-43.47-48

 

Dans l’évangile que nous entendions dimanche dernier, les disciples se disputaient la première place dans la hiérarchie apostolique. Mais dans l’évangile de ce jour les choses s’aggravent : on peut même aller jusqu’à dire que, pour un temps du moins, ils cessent totalement d’être des disciples.

Un disciple, rappelons-le, c’est quelqu’un qui s’attache au maître pour conformer sa vie à ses enseignements. Et dans la Bible, le signe qu’il s’est attaché à lui, c’est qu’il laisse tout pour le suivre. La définition du disciple est donc spatiale : c’est celui qui marche à la suite du maître, et non pas devant lui.

Mais ici Jean, l’un des Douze, losqu’il prend la parole, se trahit dans sa manière de parler. Réécoutons ce qu’il dit : « Nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom ; nous l’en avons empêché, car il n’est pas de ceux qui NOUS suivent. » Jean ne dit pas : « de ceux qui TE suivent » (sous-entendu : comme étant tes disciples), il dit « de ceux qui NOUS suivent » (sous-entendu : comme étant nos disciples). Ce « nous » est donc un aveu involontaire. Les disciples qui, dans le passage de dimanche dernier, discutaient entre eux pour savoir qui était le plus grand aux yeux de Jésus, n’ont maintenant même plus besoin de Jésus, parce qu’en fait ils se sont substitués à lui : le maître est devenu inutile, car ils se sont institués maîtres à sa place.

Admirons la patience avec laquelle Jésus répond ! Déjà dans l’épisode précédent, il ne les avait pas rabroués : il avait simplement dit que celui qui veut être le premier doit se faire le dernier et le serviteur de tous ; et il avait placé au milieu d’eux un enfant pour en quelque sorte s’identifier à lui. Ici, il ne les malmène pas non plus : il les rappelle à leur « appartenance au Christ », ce que reprendra saint Paul dans la première lettre aux Corinthiens (3, 23) en disant « tout est à vous, mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu. »

Le dévoiement de l’autorité en pouvoir, et du pouvoir en arbitraire, est un des cancers qui rongent l’humanité et qui n’épargnent pas l’Église. Ce qui rend possible de donner libre cours aux pires perversions, ce sont toujours des abus de pouvoir. Les phénomènes d’emprise sont de cet ordre, et de même que dans notre évangile les disciples prennent inconsciemment la place du maître, de même ceux qui transforment l’autorité en pouvoir et le pouvoir en emprise prennent consciemment ou non la place de Dieu – jusqu’à rendre haïssable ce Dieu qui leur avait donné la mission de le faire connaître et de le faire aimer.

Il y a trois ans, la Conférence des évêques de France a décidé la création d’une Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église ; et elle a totalement respecté son indépendance, n’intervenant que pour lui donner l’aide matérielle nécessaire. Cette Commission, dirigée par monsieur Jean-Marc Sauvé, a maintenant achevé son travail, et son rapport sera remis officiellement au Président de la Conférence, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, le mardi 5 octobre. En attendant le résultat des travaux de la Commission, la Conférence des Évêques de France n’est pas restée inactive, poursuivant son travail de son côté. Elle a voté un dispositif prévoyant à la fois des actes concrets de solidarité avec les personnes victimes, un suivi des auteurs et une éducation à la bien-traitance et à la prévention. Vous en avez été informés et vous serez appelés à y participer, que ce soit si vous le jugez bon en vous associant à l’aide financière apportée aux personnes concernées, ou en prenant part aux réflexions et formations qui seront proposées dans notre diocèse. Et puisque cette messe est la messe d’envoi en mission des chefs d’établissements, je tiens à saluer les initiatives de formation prises par l’Enseignement catholique du diocèse de Blois. Laïcs et clercs sont invités à s’y joindre afin que notre diocèse soit résolument engagé dans l’effort commun entrepris pour que l’Église soit une maison sûre et que toutes les instances d’Église qui accueillent des enfants et des jeunes soient des lieux dignes de confiance. C’est un devoir pour nous tous par rapport à ce Dieu Père et à son Fils Jésus en qui nous croyons, mais aussi par rapport à notre société tout entière qui est elle aussi au pied du mur, sommée d’affronter courageusement la réalité des emprises et des abus de toutes sortes. Il faut que l’Église catholique soit non seulement partie prenante, mais pionnière dans le combat mené ensemble.

Ce combat est présenté par Jésus comme une opération chirurgicale. Si ta main te fait tomber, coupe-la ! Si ton pied te fait tomber, coupe-le ! Si ton œil te fait tomber, arrache-le ! Ce n’est certes pas une invitation à l’auto-mutilation, mais c’est une manière de renvoyer l’accusation extérieure au débat intérieur. Dans l’Ancien Testament, nous rencontrons fréquemment l’exhortation à retrancher de la communauté celui qui fait le mal, afin qu’il ne contamine pas les autres : dans le Deutéronome par exemple, revient souvent comme un refrain « tu feras disparaître le mal du milieu de toi », et le fauteur de péchés se voit souvent infliger la peine capitale. On le fait disparaître au sens propre, et on s’imagine avoir ainsi éradiqué le mal. Jésus est moins cruel, mais plus radical : il ne me parle pas de l’autre qui fait du mal et dont je dois me dissocier, il me parle de ma main, de mon pied, de mon œil. Le mal ne m’est pas extérieur, la frontière qui le sépare du bien passe à l’intérieur de moi ; je suis capable du meilleur mais aussi du pire. Nous savons tous qu’un paisible citoyen, placé dans certaines conditions, peut devenir un bourreau ou un complice de bourreaux. Et si celui qui commet le mal m’apparaît comme un étranger, c’est peut-être parce que je n’ai pas encore compris à quel point nous sommes pétris de la même pâte humaine – ou, en langage chrétien, à quel point nous formons dans le Christ un seul corps dans lequel tous les membres partagent la souffrance des membres qui souffrent et portent les fautes des membres pécheurs.

Le radicalisme de Jésus signifie simplement qu’il ne faut en aucune manière pactiser avec le mal. Nous sommes les héritiers d’une époque qui a allègrement mis en œuvre l’adage soixante-huitard « il est interdit d’interdire ». Les personnalités les plus influençables et les moins équilibrées ont été les premières à en faire les frais, dans la société et dans l’Église. Mais ce fait indiscutable ne doit pas être un prétexte pour nous défausser de nos responsabilités : c’est à chaque corps social, maintenant, et en particulier à notre Église, de faire son examen de conscience et de mettre en œuvre un courageux processus de purification, pour que nos sociétés tout entières grandissent en humanité et soient rendues plus réceptives au message de l’Évangile.

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