Homélie de la messe d'installation du Père Louis Djoké
Le Père Djoké est installé par Mgr Batut comme curé in solidum du secteur pastoral de Fossé-Villerbon
et aumônier des scouts de France de Blois.
Lectures du 24e dimanche du Temps ordinaire A
Ben Sira 27,30-28,7
Psaume 102
Romains 14, 7-9
Matthieu 18, 21-35
« La fraternité évangélique, c’est celle de gens ensemble perdus et ensemble sauvés, dans un si grand désastre et dans un si grand salut que rien ne compte plus désormais en comparaison de la perdition où ils allaient et de la grâce qu’ils ont reçue. »
Louis Lochet, L’Évangile de la Miséricorde, Cerf 1965, p. 213
Nous poursuivons en ce dimanche la lecture en saint Matthieu du « discours ecclésial » qui traite des relations à l’intérieur de la communauté de l’Église.
Ces relations sont – doivent être – établies sur d’autres bases que dans le monde : l’Église est une famille, mais ses liens ne sont pas ceux du sang ; ce sont les liens de la grâce, du choix de Dieu. Pierre dit : « mon frère » en parlant non d’un de ses frères selon la chair, mais de son frère en Christ.
- L’Église est le contraire du chacun pour soi : mon frère est concerné par mes péchés, et je suis concerné par les péchés de mon frère. Tout péché dans la communauté concerne chacun de ses membres, parce que nous sommes solidaires les uns des autres : chaque membre qui grandit fait grandir tous les autres, chaque membre qui fait du mal fait du mal à tous les autres.
- Il s’ensuit que l’Église est la communauté du pardon. Elle n’est pas une communauté de sans péchés face à la masse des pécheurs : elle est la communauté des pardonnés. Sa vocation face au reste de l’humanité, c’est d’être le signe d’un Dieu qui pardonne. Car le reste de l’humanité ne voit pas Dieu, mais il voit l’Église de Dieu.
♦ Pour faire saisir ce que cela veut dire, Jésus propose la parabole du roi et des deux serviteurs : une histoire qui a deux faces, l’une visible et l’autre cachée.
1/ La face cachée, c’est ce qui se passe à l’intérieur du palais du roi. Le roi y habite, mais personne ne le voit : seuls le voient ceux qui sont convoqués dans le palais.
→ personne n’a vu ni entendu le dialogue entre le roi et le serviteur. Et personne ne connaît le dénouement de ce dialogue : « saisi de compassion, le maître de ce serviteur le laissa partir et lui remit sa dette. »
2/ La face visible, c’est la place publique où va se dérouler la scène publique entre le serviteur et son compagnon.
→ ceux qui n’ont pas été admis à l’intérieur du palais n’ont pas d’autre moyen de savoir ce qui s’y passe que de regarder comment se comportent ceux qui en sortent : c’est ce qu’ils vont faire en voyant sortir le serviteur qui devait au roi une somme colossale. En regardant son comportement, ils vont tirer des conclusions sur ce qui s’est passé à l’intérieur du palais, et surtout, sur le roi qui habite le palais.
♦ Évidemment, le palais, c’est l’Église, où habite le Roi des rois.
Tous, nous sommes entrés dans ce palais avec une dette impossible à payer : nous n’entrons pas dans l’Église comme des justes que nous ne sommes pas, mais comme des cas désespérés que nous sommes !
Et lorsque nous sortons du palais, lorsque nous retrouvons la communauté humaine pour y vivre notre vie professionnelle, sociale, politique, ou simplement nos relations d’amitié et de voisinage, les regards sont braqués sur nous et sur l’image du Roi que nous renvoyons dans notre conduite.
♦La finalité d’une communauté paroissiale, qui est une Église en miniature, c’est d’être le laboratoire de la charité : le lieu où nous expérimentons le pardon pour faire miséricorde à notre tour.
Concrètement : faire miséricorde à votre ancien curé ; faire miséricorde à ceux qui étaient pour, à ceux qui étaient contre…
L’Église est le lieu par excellence où l’on ne se choisit pas. Dieu nous place ensemble pour être sa famille en ce lieu.
Et ceux qui conduisent l’Église, comme Pierre dans cet évangile, sont les premiers à s’entendre dire « je ne te dis pas jusqu’à 7 fois, mais jusqu’à 70 fois 7 fois », parce qu’ils doivent inlassablement le répéter à tous les autres – à ceux et celles dont ils ont la charge comme pasteurs, afin que tous ceux-là, à leur tour, puissent le vivre et en témoigner.
Car l’Église est le lieu où, selon la parole de saint Paul (Rm 14) « personne ne vit pour soi-même : si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur », et pour qu’à travers nous le Seigneur soit connu tel qu’il est : le Dieu d’amour et de miséricorde.
