Les vieux et les vieilles — Diocèse de Blois

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Les vieux et les vieilles

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Chronique du vendredi 4 février 2022

À intervalles réguliers, on reparle des maisons pour personnes âgées dépendantes, en utilisant le sinistre acronyme « EHPAD », pour dénoncer tel ou tel scandale de maltraitance à leur égard. C’est ce qui vient de se produire ces derniers jours avec la mise en cause du groupe Orpea, cette entreprise privée fondée en 1989 par un neuropsychiatre français, et vouée, selon sa propre présentation accessible sur internet, à « créer et gérer des maisons de retraite pour accompagner le grand âge ».

Depuis la parution d’un brûlot intitulé Les Fossoyeurs, on sait que ce groupe est accusé de chercher par tous les moyens à « optimiser son profit » en rationnant les résidents et en pratiquant une maltraitance chronique. Aussitôt, le monde politique s’est ému et s’est déclaré bouleversé et révolté, la ministre concernée a pris soin de préciser qu’elle avait « bien expliqué [sa] colère [et son] émotion » aux représentants du groupe venus la rencontrer, assurant sa volonté de « frapper fort » parce que, ajoutait-elle avec élégance, « on ne veut plus que des groupes considèrent le grand âge comme une pompe à fric ».

Ces indignations vertueuses et ces promesses de sanctions seraient de bon aloi si elles entrouvraient une porte sur la question fondamentale que recouvre l’existence même de ces établissements. Cette question est celle de la mise à part des vieux et des vieilles. Je dis bien « les vieux et les vieilles », et non les « seniors », car la première condition pour poser sainement une question est de désigner les personnes par leur nom plutôt que de chercher mille tournures euphémistiques, comme s’il était indécent de dire qu’une vieille personne est vieille. Le travestissement du langage est la première étape de la mise à l’écart, de la mise au rancart qui caractérise tellement aujourd’hui ce que le pape François appelle la « culture du déchet ».

En tant qu’homme et en tant que chrétien, je soutiens que la cause des « dysfonctionnements » (encore un joli mot) dans notre manière de traiter les gens âgés réside d’abord dans notre manière de les voir comme des êtres désormais inutiles, encombrants, et qu’il est préférable de reléguer dans des lieux à part pour qu’ils ne dérangent personne. En disant cela, je ne jette surtout pas la pierre à leurs familles, car je sais à quel point notre mode de vie actuel est peu propice à l’accueil, qu’il s’agisse des migrants ou des vieux et des vieilles. C’est en fait toute une civilisation productiviste et égoïste qu’il faut questionner sur les choix qu’elle fait et qu’elle ne cesse de ratifier en désignant des coupables lorsque des scandales éclatent pour se défausser sur eux. À la veille de nouvelles échéances électorales dont il est à craindre qu’elles n’aillent pas regarder si profond, c’est le troisième terme de notre devise républicaine, le mot « fraternité » qu’il s’agirait de remettre à sa vraie place – en vérité la première place.

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