Jeanne d'Arc a encore beaucoup de choses à nous dire
À Orléans ce dimanche, à Rouen le 22 mai, seront célébrées les festivités en l’honneur de Jeanne d’Arc. Une sainte qui a fait la guerre, voilà quelque chose qui n’est pas banal, et qui peut même heurter nos mentalités modernes.
Mais comment Jeanne d’Arc a-t-elle fait la guerre ? Cette question est plus importante que jamais dans le contexte où nous vivons. Elle a fait la guerre sans l’expérience qu’on pensait nécessaire pour la faire et pour mener les armées à la victoire : elle ne l’a pas faite en guerrière, mais en visionnaire et en prophète. Non seulement parce qu’elle a obéi à ses « voix », mais aussi parce qu’elle a vu, comme tous les vrais prophètes, ce qui était caché aux yeux de l’opinion publique – comme on ne disait pas encore : l’injustice faite à un pays et la soumission du droit à la force. C’est ce qui lui a donné d’emblée une supériorité morale évidente devant les intrigues de cour et l’opportunisme des puissants qui, la voyant plus tard dans l’adversité, se sont empressés de l’abandonner.
On pourrait même dire, sans forcer le paradoxe, que Jeanne a fait la guerre avec amour. Amour des faibles et des humbles d’abord, qui sont toujours les premières victimes des guerres ; mais aussi amour des ennemis comme Jésus le demande. Lorsqu’elle prend la tête des armées du Dauphin Charles, elle n’a aucune hostilité de principe contre les Anglais. Elle ne cherche pas à puiser sa force dans une haine qu’elle attiserait dans ce but. Elle ne s’oppose aux ennemis que dans la mesure où ils usurpent une terre à laquelle ils n’ont pas droit : qu’ils rendent les places dont ils se sont emparés, qu’ils restituent « les clefs des bonnes villes qu’ils ont prises et violées en France », comme elle le leur demande solennellement dans la lettre qu’elle leur adresse avant Orléans, et les choses rentreront dans l’ordre. Entre les deux pays, les rapports redeviendront ce qu’ils n’auraient jamais dû cesser d’être : cordiaux et fraternels.
Bien des gens s’égarent aujourd’hui – à commencer hélas par le président des États-Unis – en s’imaginant qu’un Poutine écrasé et humilié rendra facilement les armes. C’est le contraire qui est vrai. Un ennemi humilié est beaucoup plus dangereux encore qu’il ne l’était auparavant. Il devient prêt à jouer son va-tout, et en l’occurrence nous savons ce que ce va-tout pourrait être. Dans les guerres modernes, nous oublions trop facilement que la volonté d’humilier l’ennemi, si haïssables que soient ses méthodes, contient en germe les conflits à venir, et ne démontre au fond qu’une seule chose : que ceux qui défendent le droit ne valent pas mieux, que ceux qui le bafouent. Puisse le ciel nous préserver de tomber dans ce piège mortel – à la prière de sainte Jeanne d’Arc.