Un phénomène inquiétant
J’ai été marqué récemment par la lecture d’un article de journal faisant état des démissions d’enseignants en France en général et dans notre région en particulier : 28 démissions cette année dans le seul Loir-et-Cher, sachant qu’il y en a 200 de plus chaque année dans toute la France. Certes, il ne faut pas majorer ce phénomène (dans notre département il y a plus de 3600 professeurs des écoles), mais il ne faut pas non plus se voiler la face au risque de se faire complice du trop célèbre « pas de vague » dénoncé au début de cette année par l’ancien principal de collège Patrice Romain dans un livre qui a fait du bruit : Requiem pour l’Éducation nationale.
Patrice Romain pointait en particulier les atteintes à la laïcité de l’école, les problèmes de discipline, et bien entendu la lâcheté et l’omerta des hauts fonctionnaires prêts à tout couvrir pourvu que rien ne transpire dans la presse et dans l’opinion. Mais au risque d’enfoncer une porte ouverte, je pense que le malaise des enseignants vient d’abord, non pas des élèves, mais des adultes qui les considèrent comme des prestataires de service taillables et corvéables à merci. Les mots d’excuse que rapporte Patrice Romain en témoignent, par exemple : « OK mon fils était en retard hier, mais quand c’est un prof vous lui demandez aussi un mot ? », ou encore « Je refuse de signer une note aussi mauvaise. Thomas m’a dit qu’il devrait avoir la moyenne. Merci de corriger la note pour que je la signe. », ou encore « Et encore une punition ! c’est de l’acharnement pédagogique, ça ! », ou encore « Dans le privé, il y a longtemps qu’on vous aurait viré ! » J’en passe, et des meilleures.
On aura beau se rassurer à bon compte en disant qu’il n’y a « pas d’explosion du nombre des démissions », on ne sera pas dispensé pour autant de s’interroger sur leurs causes. Les professeurs (un mot que, décidément je préfère aux « profs ») ont droit à l’estime et au respect des jeunes et d’abord de leurs parents, dans une société qui veut avoir un avenir. Et c’est certainement ce respect élémentaire qui leur manque le plus aujourd’hui.