Impressions de Lourdes — Diocèse de Blois

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Impressions de Lourdes

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Chronique du jeudi 4 novembre 2021

Chaque année en novembre le sanctuaire de Lourdes entre en léthargie. Finis les grands pèlerinages, les cohortes de malades : la reprise ne sera que pour le début d’avril, dans cinq mois. Sur la ville et la vallée du Gave, la brume et la pluie s’installent, glaciales, avec de temps à autre une couche de neige sur les sommets voisins.

C’est dans ces couleurs automnales que l’assemblée des évêques se tient à Lourdes. L’accueil Notre-Dame est investi par les participants pour les repas et le couchage, chaque évêque disposant d’une chambre de malade. Ambiance mélancolique s’il en est, alors que l’assemblée de printemps, plus brève, a lieu fin mars sous les auspices d’un renouveau de la nature et d’un retour des pèlerins.

Ce 2 novembre, pourtant, Lourdes resplendissait sous une température de fin d’été, un ciel bleu et un soleil trompeur qui colorait les arbres de reflets rouges et jaunes. Quelques derniers pèlerins, après la prière à la grotte, pique-niquaient sur le gazon, et pour un peu on serait allé les rejoindre et bavarder avec eux.

Mais il n’était pas vraiment question de bavardages. Car ce 2 novembre était le jour de plus, ajouté au programme de l’assemblée pour permettre aux évêques de se mettre ensemble au diapason du rapport Sauvé. Un premier moyen très simple nous était proposé : onze d’entre nous étaient chargés de nous lire des extraits du rapport choisis et commentés par eux. Cette lecture, grave, terrible en sa froide objectivité, était suivie d’un long temps de silence et de prière qui s’est conclu par la messe en fin de matinée.

L’après-midi, dans le prolongement de cette écoute collective, était consacrée à l’intervention directe de cinq personnes victimes, trois hommes et deux femmes, venues à Lourdes nous interpeller. Elles se sont assises à la place de la présidence, nous ont dit leur souffrance, leur colère, leur amertume devant nos complicités, leur déception devant nos lenteurs, leur espérance que malgré tout l’Église soit l’Église, c’est-à-dire celle que le Christ a chargée de communiquer à tous l’amour dont Dieu les aime – mais une espérance qui ne se satisferait pas de belles déclarations, une espérance qui attend du vrai, du fort, du concret, de l’irréversible. Pour que l’Église soit l’Église.

Nouveau temps de silence, pesant, prolongé. Nous avions devant nous des post-it de trois couleurs différentes : ce que j’ai envie de dire aux victimes ; ce que j’ai envie de dire à mes frères évêques ; ce que j’ai envie de dire à Dieu. L’un après l’autre, nous nous sommes levés et sommes allés coller nos post-it sur un grand panneau prévu à cet effet.

Alors quelque chose d’étonnant s’est passé. Les victimes avaient changé : elles étaient devenues des témoins. Les évêques avaient changé : ils étaient en train de redevenir des frères pour ces frères et sœurs blessés, meurtris, empêchés de vivre par la communauté que le Christ a voulue au service de la vie.

Après cette première journée, nous étions fourbus, vidés, anéantis. Et paradoxalement joyeux et emplis de « l’espérance qui ne déçoit pas ». Pour que l’Église soit l’Église.

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