«Il n'y a rien au-dessus de la loi»
Ce mardi 16 février, les députés ont voté solennellement une loi vouée à sauvegarder les « principes républicains » et que beaucoup, non sans raison, disent clivante et liberticide. De peur de paraître stigmatiser les musulmans, elle vise trop large et place les religions sous un régime de suspicion systématique plus proche de l’esprit du « petit père Combes » que de la largeur de vues d’un Aristide Briand par exemple.
Mais le plus grave, à mes yeux, n’est pas là. Il est dans la conception de la loi civile illustrée jadis par la phrase malheureuse de Jacques Chirac « il n’y a rien au-dessus de la loi » et reprise tout récemment par Gérald Darmanin dans une affirmation plus grave encore : « nous ne pouvons plus discuter avec des gens qui refusent d’écrire sur un papier que la loi de la République est supérieure à la loi de Dieu. »
Comme le fait remarquer l’historien et sociologue Jean Baubérot, de tels propos donnent l’impression fâcheuse qu’on cherche à promouvoir une sorte de religion républicaine qui divinise la République elle-même. Or les lois humaines et la loi de Dieu ne peuvent pas être mises sur le même plan. La loi de Dieu oblige la conscience, ce qui n’est pas le cas des lois humaines : si un État se mettait en tête de demander que ses lois soient observées en conscience, il deviendrait par le fait même totalitaire.
Les lois humaines sont toujours faillibles, et c’est pourquoi la conscience, religieuse ou non d’ailleurs, sera toujours au-dessus de la loi. Pour ne citer qu’un exemple, n’est-ce pas la conscience qui, en 1935, prescrivait de s’opposer aux lois de Nuremberg qui consacraient en Allemagne l’antisémitisme d’État ? ou la conscience qui restera notre dernier rempart contre l’instrumentalisation du corps humain que nous préparent certaines lois dites bioéthiques ?
Mettant en garde les laïcistes radicaux de son époque, Clemenceau leur disait : « Vous rêvez de l’État idéal, et au nom de ce rêve, vous bâtissez l’omnipotence de l’État laïque qui est une tyrannie. Je ne suis pas de ce pontificat ! Nous sommes tous faillibles. » Tout est dit là par ce grand anticlérical, qui s’opposait ainsi à ceux qui voulaient remplacer le pontificat religieux par un pontificat laïque, une sorte de religion civile. C’était il y a un siècle et la leçon est toujours d’actualité. Mais il n’y a pas pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre.