Familles je vous aime
L’avez-vous remarqué ? Beaucoup de messages politico-médiatiques que nous avons entendus sur les familles au long des périodes de confinement étaient des messages négatifs, des messages de suspicion. Les familles ne savent pas « gérer » les jeunes, comme on dit ; elles ne savent pas faire travailler les enfants et relayer correctement les messages des enseignants. Et surtout, elles sont le théâtre de violences, et de violences conjugales en particulier. Les familles sont le lieu des « féminicides », comme on dit encore. Bref, elles sont à mettre sous surveillance : le célèbre « familles je vous hais » d’André Gide est plus que jamais d’actualité.
Certes, de nombreux drames se déroulent dans les familles, et les secrets de famille ne sont pas toujours reluisants. Mais malgré cela, la place accordée à la famille par nos concitoyens demeure une place de premier plan. La « valeur famille », on le sait, est plébiscitée, et cela même si les familles sont aujourd’hui décomposées et recomposées sans cesse, fragilisées et abîmées par des agressions qui viennent souvent beaucoup plus des modèles sociaux en vogue que de l’intérieur des familles elles-mêmes. Pourtant, loin de mettre un terme au dénigrement des familles, la crise sanitaire semble n’avoir fait que l’exacerber, comme si le recours à la famille suscitait le ressentiment de faiseurs d’opinion qui ne redoutaient rien tant que de voir la famille présentée de manière positive comme le lieu par excellence où l’on expérimente la joie d’aimer et d’être aimé, et comme le berceau de la vie.
Le 30 novembre, la chanteuse franco-américaine Joséphine Baker est entrée au Panthéon. Notre pays a voulu honorer en elle l’artiste, la militante noire antiraciste, la résistante, et il a eu raison de le faire. Souhaitons qu’il n’oublie pas non plus la mère généreuse qu’elle fut, elle qui ne pouvait avoir d’enfants et qui avait voulu adopter et élever treize enfants dans son château des Milandes en Périgord. Ces enfants venaient tous de pays, de cultures et de religions différentes, et le but de Joséphine Baker était de prouver au monde que son idéal de fraternité universelle était possible. Peu importe que ce rêve ait tourné court pour des raisons bassement matérielles, cette mère généreuse se révélant incapable de gérer raisonnablement un budget : ce que la postérité retiendra d’elle, à commencer par les enfants mal partis dans l’existence qu’elle avait recueillis, c’est le besoin éperdu qui était le sien de donner ce qu’elle avait de meilleur pour semer du bonheur autour d’elle. Et s’il y a une aspiration qui devrait être à la base de toute famille, c’est bien celle-là.