« Rien n'est si insupportable à l'homme… »
« Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos. » Cette parole célèbre de Pascal tourne beaucoup en ce moment sur internet. En effet, le confinement auquel nous sommes tous astreints a plongé beaucoup d’entre nous dans un repos forcé. Et même si nous ne sommes pas tout à fait sans activités, parfois même débordés (je pense en particulier aux personnes qui s’essaient au télétravail tout en gardant leurs enfants), notre rythme de vie habituel se trouve complètement bouleversé.
« Un corps en mouvement tend à y rester, à moins qu’on ne l’arrête » : c’est un des rares souvenirs que j’ai gardés de mes cours de physique. Nous sommes immergés d’habitude dans un perpétuel mouvement qui nous fait passer sans cesse d’une activité à l’autre. Nous nous arrêtons bien pour nous nourrir ou pour dormir, mais nous mangeons trop vite et nous dormons trop peu. Sans cesse le mouvement reprend le dessus. Et nous nous donnons une bonne excuse : je suis si occupé, j’ai tant de choses à faire ! Mais est-ce bien la seule explication ?
Écoutons la suite de ce que dit Pascal : « Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos… Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. » La force du propos de Pascal, c’est de nous révéler qu’en réalité nous ne désirons pas le repos, nous le fuyons ; que nous n’aspirons pas vraiment au silence, nous le redoutons. Nous redoutons de sentir notre néant et notre vide. Nous redoutons de nous ennuyer, car l’ennui nous remet en face d’une évidence : nous sommes superflus dans le monde, nous aurions pu ne pas y être, et le jour où nous n’y serons plus il se passera fort bien de nous.
Cette expérience-là est fondamentale dans la prière. Tant que nous ne nous sommes pas ennuyés en priant, nous n’avons pas encore prié. Prier, c’est se rendre vulnérable à l’usure du temps. Prier, c’est faire l’expérience de son néant et de son vide – pour demander à Dieu de le remplir de sa Présence. C’est ce qui s’est passé pour les Hébreux dans le désert : ils ont fait l’expérience du rien. Et c’est alors que Dieu, par la manne, les a nourris du pain de vie.