L’histoire d'un lendemain
Il y a toutes sortes de lendemains. Il y a des lendemains de fête où l’on ne se sent pas très bien parce qu’on a fait la fête, qu’on a trop mangé et trop bu. Même si le soleil se lève sur un tel lendemain de fête, il a toujours un goût de cendre. Et puis il y a ces lendemains qui sont comme un matin de Pâques. Dans la nuit s’est allumée une lumière et rien n’est plus comme avant. C’est le secret de la nuit pascale qui fait la joie du matin de Pâques, de même que le secret de la nuit de la Nativité fait la joie du matin de Noël.
Les nuits de Dieu préparent des lendemains de fête. Nuit des origines où son Esprit planait sur les eaux primordiales. Nuit de la sortie d’Égypte, où ce même Esprit ouvrit la mer et où la nuée guida les Hébreux pour qu’ils ne s’égarent pas dans les ténèbres. Nuit de Noël où les bergers qui gardaient leurs troupeaux furent enveloppés d’une grande lumière, où le ciel et la terre se mirent à chanter ensemble. Nuit du Samedi Saint, du tombeau vide et de la pierre roulée ; nuit où le feu nouveau s’embrase dans les ténèbres, se communique au cierge pascal, puis à l’assemblée tout entière, et où l’Église, obscure comme un tombeau, se retrouve tout à coup envahie de lumière. Nuit de la fin des temps, encore devant nous, sur laquelle se lèvera le jour définitif où Dieu sera tout en tous.
Ce 26 mars, dans un monde plus angoissé que jamais, nous nous sommes réveillés de la fête de l’Annonciation avec seulement le sentiment de l’avoir vécue autrement que d’habitude. La petite bougie placée à la fenêtre s’était rapidement éteinte dans la nuit. Un soleil insolent brillait sur la campagne, comme si la nature se préoccupait bien peu de ce qui arrive aux hommes. Alors j’ai pensé à Marie en l’imaginant le jour suivant. Marie qui sent grandir dans son corps une vie nouvelle, et qui l’accueille déjà alors qu’elle est invisible. Marie qui sait que Dieu est caché en elle alors que tous l’ignorent. Marie qui s’apprête à l’offrir au monde alors que le monde ne l’attend pas. Et j’ai prié pour l’Église, pour qu’elle se prépare à ce moment où elle pourra dire à l’humanité sortant à peine de son cauchemar : « le voici, votre Sauveur ! Au plus profond de la nuit, quand l’espoir vous abandonnait, il continuait à grandir. Il est là, je vous le donne. »
Les événements qui changent le monde « ne commencent pas par la victoire, mais par la difficulté, l’épreuve et toutes les apparences de l’échec. C’est ainsi qu’[ils] préparent l’avenir. L’histoire du christianisme est l’histoire d’un lendemain » (Édouard Souberbielle).