Une double solidarité
On dénonce souvent la confusion très répandue entre la fête de la Toussaint et la journée de prière pour tous les fidèles défunts qui la suit. Mais même si cette confusion est en soi regrettable, elle est fondée sur une intuition juste. En effet, les deux journées du 1er et du 2 novembre nous tournent l’une et l’autre vers l’au-delà, soit pour nous réjouir que tant d’hommes et de femmes soient déjà parvenus à la vision de Dieu, soit pour reprendre conscience de notre devoir de prier pour tous ceux qui se trouvent encore sur le chemin pénible et montant qui y conduit – ce que la théologie appelle le Purgatoire, c’est-à-dire la purification.
La Toussaint et le jour des défunts sont ainsi deux fêtes de l’espérance. Faut-il le rappeler ? Le Purgatoire n’a qu’une seule sortie, et elle aboutit à la béatitude. Tous les rites de la liturgie des défunts sont empruntés au baptême : ils nous rappellent que le défunt a été sauvé à la racine de son être du mal et du Mauvais, du péché et de la mort. En s’appuyant sur cet acte d’amour et de salut, ils nous font demander avec force que le défunt soit délivré de ses péchés postérieurs au baptême et qui, dans le pire des cas, pourraient en détruire l’effet bienfaisant : l’habitation de la grâce dans le cœur du baptisé, promesse de vie éternelle.
La Toussaint et le jour des défunts nous invitent à raviver en nous une double solidarité. Une solidarité avec les défunts d’abord, et en particulier avec ceux et celles qui sont tombés dans l’oubli et pour qui plus personne ne songe à prier : « frères humains qui après nous vivez, n’ayez les cœurs contre nous endurcis, car si pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tôt de vous merci » chantait François Villon à propos des condamnés à mort – ce que nous sommes tous, en fin de compte. L’autre solidarité est avec nos frères et sœurs du ciel, dont nous savons qu’ils prient pour nous. Leur bonheur ne les sépare pas de nous, mais au contraire les pousse à intercéder inlassablement pour ce monde en détresse : « À votre Fils dites que je suis sienne, de Lui soient mes péchés abolus » (c’est-à-dire pardonnés), disait la mère du même François Villon en s’adressant à la Vierge Marie.
Vierge Marie, et vous tous les saints et saintes du Paradis, intercédez pour nos défunts et pour nous tous, pécheurs.
