Réparer l'Église, réparer pour l'Église
Il y a des ressemblances entre le mal-être de nos sociétés et le mal-être de notre Église. Au mal-être de la société, nos dirigeants ont voulu répondre en lançant le « grand débat national ». Au mal-être de l’Église, les journaux La Croix et Pèlerin veulent répondre en lançant une « large consultation » et une « invitation à formuler des propositions pour surmonter la crise actuelle ».
On ne peut encore rien dire du grand débat national, sinon qu’il a été assez suivi mais il est trop tôt pour en évaluer les résultats ; a fortiori on ne peut rien dire de la « large consultation » lancée par les deux media catholiques puisqu’elle n’a même pas commencé. On peut juste déjà dire avec certitude que la fécondité de l’un et de l’autre dépendra de l’utilisation qui en sera faite…
En attendant, réfléchissons sur le titre : « Réparons l’Église ». Il a ses lettres de noblesse : il rappelle la parole fameuse du Christ à François d’Assise « François, va et répare ma maison qui, tu le vois, tombe en ruines ». Avec un point d’attention cependant : l’injonction « réparons » ne doit pas nous faire oublier que ce n’est pas nous qui réparons l’Église, de même que ce n’est pas nous qui la bâtissons. Jésus n’a pas dit à Pierre: « Tu es Pierre et tu me bâtiras une Église », mais « Tu es Pierre et sur cette pierre, je bâtirai mon Église ». Il y a là plus qu’une nuance.
La deuxième remarque que m’inspire ce titre porte sur la belle polysémie du verbe « réparer », qu’on peut utiliser comme verbe transitif ou comme verbe intransitif. L’usage transitif est limité aux choses : on peut réparer une voiture en panne, mais on ne répare pas une personne. On la console, on la guérit, on donne sa vie pour elle. Or, l’Église n’est pas une chose mais bien plutôt une personne : donc, à proprement parler, nous ne devons pas réparer l’Église, nous devons réparer pour l’Église. Et comment réparer autrement qu’en priant et en faisant pénitence ? «Cette sorte de démon, dit Jésus, ne sort que par la prière et par le jeûne » (Matthieu 17, 21).
Et comment réparer autrement qu’en priant et en faisant pénitence ?
Je vois déjà certains hausser les épaules, d’autres dénoncer le jus pieux, cet art consommé de noyer le poisson qu’on appelle parfois « langue de buis » ; d’autres enfin, que je trouve bien plus redoutables parce qu’ils posent la bonne question, m’interroger en disant : « mais vous, est-ce que vous le faites ? » Je le fais un peu, mais si mal. J’aime l’Église, mais si mal. Et si l’on n’aime pas l’Église, il peut venir à l’idée de la bricoler, de la reconstruire à notre idée, mais certainement pas de prier pour elle.
Alors, si vous m’en croyez, commençons par l’aimer en priant et en jeûnant pour elle. Oui, commençons par l’aimer, cette Église qui est le grand cadeau fait par le Christ aux hommes : je vous l’assure, tout le reste suivra.