Pâques sanglantes
En cette fête de Pâques, des frères et des sœurs chrétiens, ultra-minoritaires dans leur pays, venaient fêter la résurrection du Seigneur. On les voit sur les images de la caméra de surveillance paisiblement assemblés dans leur église, remplis de ferveur et de cette joie contenue, non démonstrative, qui nous habite chaque année au moment des fêtes pascales. Et l’on voit un jeune homme déambulant calmement, son sac sur le dos, à travers la foule massée dans la cour. Il a l’air sportif, juvénile et sympathique des pèlerins de Compostelle que nous croisons parfois sur nos routes de France. Le voilà qui franchit une porte latérale grande ouverte, car ici il fait beau et chaud et toutes les portes restent ouvertes : du reste, pourquoi fermer ses portes quand on prie ? Et c’est ainsi qu’il entre dans l’église, portant toujours sur le dos son étrange fardeau.
Dans quelques secondes cet homme va mourir. Il le sait et il le veut. Car il est venu là pour mourir, mais surtout pour tuer, en mourant, le plus de gens possible. C’est son but, son obsession – son idéal : oui, la mort est son idéal. Hommes, femmes, enfants, il veut faire un massacre. Il veut, de volonté déterminée, que si possible personne n’en réchappe. Même si pour le moment nul ne le sait, même si personne ne fait attention à lui, même si tout le monde croit être là pour prier, pour vivre ensemble ce moment fraternel de joie et d’espérance, pour embrasser l’humanité tout entière dans une prière universelle emplie de l’amour du Ressuscité, il se tient là ; et derrière son air nonchalant, une haine farouche l’habite. Dans sa froide détermination, dans sa haine glacée, il fera plus de cent morts. Les hommes, les femmes, les petits enfants, les célébrants, dans un instant tous vont mourir. Mais la vidéo s’achève avant, abruptement.
(...) il fera plus de cent morts.
Pourquoi ? Pourquoi des êtres humains sont-ils capables de choses pareilles ? À cette question, nous n’avons pas de réponse. Ou plutôt nous avons la seule réponse possible, celle de Dieu par la bouche de son Christ agonisant sur la croix : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Cette réponse est une prière. La grande prière du vendredi saint. Elle nous dit l’espérance de Dieu lui-même que sa miséricorde réussira à être toujours plus grande que les horreurs que la Puissance des ténèbres fait monter au cœur de l’homme.