La crèche
Le pape François, c’est bien connu, est un fervent partisan de la religion populaire. Il vient tout juste de nous donner une belle méditation sur l’origine et le sens de la crèche. Chacun sait que la première crèche a été inventée par saint François d’Assise en 1223 à Greccio. Le pape raconte la « commande » que le saint avait faite à un homme de Greccio nommé Jean : « Je voudrais, disait-il, représenter l’Enfant né à Bethléem, et voir avec les yeux du corps les souffrances dans lesquelles il s’est trouvé par manque du nécessaire pour un nouveau-né, lorsqu’il était couché dans un berceau sur la paille entre le bœuf et l’âne. » François d’Assise désirait voir, exactement comme les bergers dans la nuit de Noël avaient voulu voir : « Allons jusqu’à Bethléem et voyons ce qui est arrivé et que le Seigneur nous a fait connaître » (Luc 2, 15). Ou encore comme les gens qui vivaient au Moyen Âge désiraient voir l’eucharistie – c’est en effet à cette époque qu’a été introduit dans la liturgie le geste de l’élévation de l’hostie, et on peut dire que cette innovation s’est faite sous la pression populaire, parce que le peuple chrétien voulait absolument voir le pain devenu Corps du Christ, et prendre le temps de l’adorer.
La crèche, poursuit le Pape, est « une invitation à sentir et à toucher la pauvreté que le Fils de Dieu a choisie pour lui-même dans son incarnation. Elle est donc, implicitement, un appel à le suivre sur le chemin de l’humilité, de la pauvreté, du dépouillement. » C’est en voyant de nos yeux et en touchant de nos mains que nous prenons conscience de la réalité de ce Dieu qui s’est fait petit enfant pour nous.
Il y a quelques jours, avec un gros groupe de pèlerins du Loir-et-Cher et des départements voisins, j’étais en Terre Sainte. Dans le pays de Jésus, Bethléem est un passage obligé, avec la basilique du sixième siècle miraculeusement épargnée par les invasions successives, et la grotte de la nativité où l’on descend après une longue attente au milieu de la foule des pèlerins pour vénérer le lieu supposé de la naissance du Sauveur. Il se trouve que cette année, après cette démarche de pèlerinage, nous avons visité un foyer qui se trouve aussi à Bethléem et où des religieuses accueillent des nouveau-nés que leurs jeunes mères sont contraintes d’abandonner – car dans la culture locale la naissance d’un enfant illégitime est considérée comme un déshonneur et ces jeunes femmes sont souvent menacées de mort. Ce mystère d’innocence et de vulnérabilité récapitulait pour nous le sens de la crèche, ce mystère d’un Dieu, écrit le pape François, « qui a voulu tout partager avec nous afin de ne jamais nous laisser seuls ».