Europe, que de choses on raconte en ton nom !
On nous explique doctement que c’est à elle, et à elle seule, que nous devons la paix dont nous profitons depuis 75 ans, alors que tout le monde sait que cette paix tient à deux choses : premièrement, le terrible traumatisme de la deuxième guerre mondiale et la destruction de l’Allemagne qui s’en est suivie ; deuxièmement, la peur qu’inspirait, jusqu’à la chute du communisme, l’impérialisme soviétique. On nous dit ensuite, en montrant du doigt l’Angleterre, que de toute façon il est impossible d’en partir, et que par conséquent il est plus sage de se résigner à y rester. Pour couronner le tout, on nous menace, si nous ne sommes pas d’accord avec cette Europe, de « faire le jeu des populismes ». Et l’affaire est pliée.
« On », ce sont les thuriféraires de cette Europe-là : l’Europe de l’argent, une Europe qui « ne convoque pas l’imaginaire et qui ennuie tout le monde » (Régis Debray), une Europe qui n’a pas de visage comme en témoignent les ogives anonymes de ses billets de banque, et qui, partant, n’a pas d’histoire et ne veut surtout pas en avoir.
« Quand j’entends parler d’Europe, je sors mon oreiller ! »
Ceux qui veulent se trouver un ennemi électoral s’en cherchent un et le trouvent sans peine. Les populistes combattent les Européens, et les Européens crient haro sur les populistes. Les uns et les autres tentent ainsi de faire oublier que leur véritable ennemi s’appelle l’abstention. Et pourquoi l’abstention ? Le journaliste Claude Imbert l’a résumé en une boutade : « Quand j’entends parler d’Europe, je sors mon oreiller ! »
Lorsque l’Europe n’existera plus, ajoute avec humour Régis Debray, on retrouvera enfin l’Europe : car l’Europe est un archipel, et elle a vocation à le redevenir. Un archipel de peuples, un foisonnement d’histoire. Des peuples souvent rivaux et souvent ennemis, mais des peuples de chair et de sang qui ne peuvent se reconnaître dans une fédération hors sol. « Sans doute assistons-nous à la fin de l’Europe : bonne chance à cette fédération sans fédérateur ! » disait de Gaulle à Malraux en 1969.
Si vous ne savez pas comment vous occuper ce dimanche, après être allés à la messe et avoir voté, lisez Passion de la France, de Jean-Pierre Chevènement. Un auteur qu’on ne peut soupçonner ni d’être calottin, ni d’être populiste. Vous ne le regretterez pas.