Encore la PMA
À nouveau, une chronique radio m’a donné à penser. Il s’agissait de « L’humeur du jour » de Guillaume Erner, diffusé sur France-Culture le 24 de ce mois.
Le chroniqueur réagissait au récent communiqué de l’Académie de médecine dénonçant dans la légalisation de la PMA une « rupture anthropologique ». Il disait en substance ceci : parler de « rupture anthropologique », c’est supposer qu’il y a une anthropologie, c’est-à-dire une nature humaine. Or on sait depuis Claude Lévi-Strauss qu’il n’y a pas d’invariant humain[1], car la nature humaine est constamment en mouvement. Pas plus qu’on n’a le droit de dire que l’homosexualité est « contre nature », on n’a le droit de dire que la PMA est « contre nature ». Certes, chacun peut défendre ou critiquer la possibilité de concevoir un enfant sans père, mais on ne peut le faire au nom de la « nature ».
Voilà qui donne à réfléchir, car c’est loin d’être faux. On peut même soutenir que le propre de la nature humaine, à la différence de celle des animaux, est la capacité de transgresser ses propres limites. Dans ce domaine, la technique ne cesse de lui donner des possibilités nouvelles. Reste à savoir, à l’heure où l’on se préoccupe d’équilibre écologique et où l’on invite à juste titre l’humanité à renoncer à sa démesure, si toute transgression est moralement neutre et si ses effets sont toujours bénéfiques. Non seulement il y a bien des ruptures anthropologiques, mais nous ne sommes jamais dispensés de les qualifier de bonnes ou de mauvaises. Le précepte d’aimer son prochain comme soi-même a été une rupture anthropologique majeure ; le vote d’une loi qui proclamerait juste de priver sciemment des enfants de père en serait une autre, qui irait radicalement en sens inverse de la première.
[1] Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale zéro, Seuil 2019 (posthume).