Du jardin au désert et du désert à la ville
Nous allons bientôt entrer en Carême, et le Carême est le temps du désert. Dans son message pour le Carême 2019, le pape François fait remarquer que la rupture de la communion avec Dieu a « détérioré les rapports harmonieux entre les êtres humains et l’environnement où ils sont appelés à vivre, de sorte que le jardin s’est transformé en un désert. » De fait, dans le récit des origines le sol qui produisait auparavant « toute espèce d’arbres séduisants à voir et bons à manger » (Genèse2, 9) se transforme après le péché en un sol aride et hostile, qui produit pour l’homme « épines et chardons » (Genèse 3, 17) et d’où il tire sa subsistance « à la sueur de son front » (3, 19).
Le passage du jardin au désert scelle donc la déchéance qui résulte du péché. Mais dans la Bible le désert n’est pas seulement le lieu de la malédiction, puisque Dieu, ayant libéré son peuple de l’esclavage d’Égypte, choisit de l’y faire séjourner pendant quarante années pour le préparer à entrer dans la Terre promise. Le lieu de la malédictiondevient alors le lieu de la purification : c’est pourquoi Israël fera plus tard mémoire de ce séjour forcé au pays des serpents et des scorpions comme d’un temps d’épreuve salutaire. Si Dieu t’a conduit au désert, dit le Deutéronome, c’était pour « connaître le fond de ton cœur » et « pour te montrer que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais que l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche du Seigneur ». « Comprends donc, poursuit le texte, que le Seigneur ton Dieu te corrigeait comme un père corrige son enfant, et garde les commandements du Seigneur ton Dieu pour te diriger dans ses voies et pour le craindre » (Deutéronome8, 5-6). Mieux encore : lorsque Israël récidive dans son péché et s’éloigne à nouveau de son Dieu, le souvenir du désert devient doux à sa mémoire comme le souvenir d’un temps de fiançailles. Mon épouse infidèle, dit Dieu, « je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur» (Osée2, 16).
« La création, écrit encore le Pape, a un urgent besoin que se révèlent les fils de Dieu, ceux qui sont devenus une nouvelle création ». Encore faut-il pour cela que les fils de Dieu reprennent conscience de leur identité de fils et se comportent de nouveau en cohérence avec elle. Tel est le but du Carême, ce grand cadeau que Dieu nous fait. Et c’est pour cette raison que nous devons sans cesse revenir au désert pour redevenir capables de bâtir ensemble « la Ville où tout ensemble ne fait qu’un ». Je vous souhaite un beau et fructueux Carême.