La journée de la jupe
LA JOURNÉE DE LA JUPE
« Quel était le vrai nom de Molière ? »
« - Jean-Baptiste Poquelin ! C’est bon, lâche-moi, putain ! »
Ce dialogue est tiré du film La journée de la jupe, récemment diffusé sur Arte. Rien à voir avec la journée du même nom où il s’agissait de faire venir en classe des garçons habillés en filles. Non, ici il s’agit seulement d’une femme professeur de français, personnifiée par Isabelle Adjani, qui a résolu envers et contre tout de faire ses cours en jupe dans un lycée situé « en zone sensible », comme on dit pudiquement. Elle se fait insulter par des élèves qu’elle essaie en vain de faire travailler sur le texte du Bourgeois gentilhomme.
Cette femme, qui ne tient qu’à coup de tranquillisants et commence chacune de ses journées la peur au ventre, découvre soudain un revolver dans le sac d’un des élèves. Désespérée elle s’en empare, et la voilà qui prend la classe en otage. Pendant qu’au-dehors tout le monde s’agite et que la police s’active pour l’amener à se rendre, elle reprend son cours sur Molière en menaçant les élèves avec l’arme pour les faire tenir tranquilles : « Bon, eh bien je crois qu’on va enfin pouvoir faire un cours », dit-elle. Sous la menace d’une arme, professeur et élèves pourront enfin se parler.
Ce qui nous est montré là est terrifiant. Par-delà les clichés sexistes ou pseudo-religieux, par-delà la caricature du professeur islamo-gauchiste qui garde son Coran en poche pour répondre aux sottises de ses élèves par des citations du livre sacré, c’est la faillite de l’intégration et de l’éducation qui est mise crûment sous nos yeux.
Le film, tourné en 2009, est sorti seulement cette semaine dans certaines salles triées sur le volet : c’est dire à quel point la violence à l’école est un sujet sensible. « J’ai vécu jusqu’à 18 ans à Créteil ; j’ai eu l’occasion d’y retourner et j’ai vu ce que c’est devenu », a déclaré le réalisateur Jean-Paul Lilienfeld. Quant à Isabelle Adjani, admirable dans ce rôle, elle dit à propos de son métier : « j’y ai cru ». A quoi a-t-elle cru ? À l’humanité, sans doute. Cette humanité si fragile qu’une génération suffirait pour la défaire et revenir à la pure barbarie.