Défendre l'institution ?
Un jour récent, tandis qu’en mâchouillant mon stylo je tentais de rédiger quelques réflexions sur ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Barbarin », un ami à qui je demandais son avis me dit : « Malheureux, n’écris surtout pas ça, tu vas avoir l’air de défendre l’institution ! »
J’aurais pu répondre que l’institution en question, à savoir l’Église catholique, est d’abord ma mère, et qu’il est assez compréhensible qu’on défende sa mère quand elle est attaquée. Mais cette mise en garde m’a conduit à m’interroger sur la raison d’être des institutions et sur l’opportunité de les défendre.
Faisons un peu d’étymologie. Derrière le mot « institution », il y a la vieille racine indo-européenne « st » qui exprime l’idée d’être debout et qu’on retrouve dans l’anglais to stay ou dans le mot station. Une institution, par conséquent, c’est ce qui permet aux personnes de se tenir debout, comme l’exprimait le beau titre d’« instituteur », malencontreusement remplacé il y a quelques années par celui jugé plus valorisant de « professeur des écoles ».
Mais il ne suffit pas de rappeler le sens des mots : encore faut-il que ceux qui ont mission de servir une institution aient des comportements cohérents avec les finalités qu’elle poursuit. La finalité de l’Église est la plus noble qui soit : rien de moins que la sainteté ! Il n’est donc pas étonnant que les péchés des membres de l’Église apparaissent plus scandaleux encore que ceux que peuvent commettre les membres de n’importe quelle autre institution. Et que les péchés des prêtres, ministres de l’Église qu’un sacrement spécial a consacrés, soient perçus à juste titre comme absolument intolérables. « Nous ressentons de la honte, écrit le Pape François, lorsque nous constatons que notre style de vie a démenti et dément ce que notre voix proclame. »
La phobie contemporaine devant tout ce qui peut ressembler à une défense des institutions, et l’acharnement que l’on met parfois à détruire ce qui peut leur rester d’autorité ou de prestige, ne peut rien apporter de bon pour personne. Mais une institution, et l’Église plus que toute autre, se doit d’être crédible dans les buts qu’elle poursuit. C’est pourquoi le Pape nous appelle tous à demander pardon « pour nos propres péchés et pour ceux des autres ». En tant que membres de l’Église, nous sommes embarqués dans le même bateau, et nul n’a le droit de dire qu’il n’est pas concerné. Défendre l’institution, c’est d’abord cela : porter ensemble le poids du péché et nous aider les uns les autres à grandir en sainteté.