Chronique du 31 mars 2017
LA MISSION DES CATHOLIQUES DANS LA SOCIÉTÉ ACTUELLE
Les évêques de France réunis à Lourdes sont revenus sur la situation actuelle de notre pays et sur ce qui est attendu des catholiques. Nous avons été aidés dans notre réflexion par Monsieur Pierre Manent, éminent spécialiste de philosophie politique.
Selon Pierre Manent, la parole célèbre « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » ne doit pas être interprétée dans le sens d’une séparation stricte entre le politique et le religieux. Il est bien vrai que les hommes sont laissés à leur conseil pour organiser la cité terrestre ; mais en même temps, se désintéresser de la cité serait se désintéresser des hommes qui y vivent.
Si l’Europe de l’après-guerre s’est reconstruite si rapidement, c’est bien parce que des chrétiens ont pris dans cette reconstruction, tant morale que matérielle, une part considérable, à l’heure où il s’agissait de redonner du sens à l’existence de pays meurtris par les deux conflits mondiaux.
Le déficit de présence chrétienne auquel nous assistons aujourd’hui va de pair avec un déclin tout aussi préoccupant des institutions et des communautés de sens, qui met en danger l’existence même de nos sociétés. Si, aujourd’hui, les choses de Dieu sont mal prises en considération, les choses de César le sont moins encore, desservies par une interprétation unilatérale de la démocratie qui la confond avec la préservation et l’extension des droits individuels. Ce phénomène tend à vider la vie publique de tout critère de jugement.
Dans ce contexte, il ne s’agit pas de réclamer de l’État ou de la société le moindre privilège, mais de faire mesurer aux chrétiens, et spécialement aux catholiques, l’ampleur de leur responsabilité. En effet, souligne Pierre Manent, « la parole chrétienne ouvre à chacun un parcours d’action pour ainsi dire infini, parce qu’elle interpelle chacun dans sa capacité de libre réponse à la question "que faire ?", et lui donne sa véritable portée. » Les chrétiens doivent revenir au centre de la vie publique, non pour y chercher une revanche, mais pour y faire valoir leur capacité d’agir. « Il n’est pas question de revenir à l’Église fulminante, mais nous pouvons et devons être une Église parlante, face à la question : que voulons-nous faire de ce corps politique qui s’appelle la France ? » Car il n’y a pas, aujourd’hui, d’autre possibilité sérieuse que d’essayer de continuer et de renouveler notre aventure nationale.