Chronique du 24 mars 2017
QUE MONTRER, ET COMMENT ?
Le verbe « montrer » vient du latin, où il a déjà le sens que nous lui connaissons, mais aussi d’avertir ou de conseiller. On montre donc quelque chose à quelqu’un pour l’éclairer et pour lui venir en aide. Cela veut dire qu’on ne peut pas tout montrer, ni montrer n’importe comment.
Si vous n’avez pas vu le film Et les mistrals gagnants d’Anne-Dauphine Julliand, courez-y sans tarder. C’est un film qui montre des enfants malades, mais qui ne montre pas tout, et pas n’importe comment. La réalisatrice le dit d’ailleurs fort bien : J’ai utilisé une seule caméra « pour qu’ils ne se sentent pas traqués. Ils savaient où était l’objectif… Je trouve qu’ils étaient plus maîtres parce que finalement, ce sont eux qui nous dirigent dans le film ; quand ils disent "viens", on les suit… Et c’est important pour qu’ils n’aient pas le sentiment qu’on leur vole des instants et que tout ce qui est donné est consenti. »
Dans ces mots tout simples, il y a un secret. Le secret d’une forme de pudeur qui fait que jamais le spectateur ne se sent ni agressé, ni indiscret, mais invité. Invité à partager un moment de la vie de ces enfants et de leur lutte contre la mort. Invité par les enfants eux-mêmes et par leurs parents, comme un membre de leur famille et de la grande famille humaine.
On mesure la différence avec d’autres méthodes télévisuelles qui font florès aujourd’hui, fondées sur le vol (on s’approprie des documents qui ne nous appartiennent pas), sur le mensonge (on filme les gens à leur insu avec une caméra cachée), le tout au nom d’une quête de vérité et de justice. Mais comment des justiciers pourraient-ils servir la justice, et des gens malhonnêtes faire la vérité ? Il y a des enquêtes qui sonnent plutôt comme des réquisitoires, et des investigations qui ont des relents d’inquisition…
Seul l’amour, en définitive, sait montrer dans la vérité.