Chronique du 23 juin 2017
« QUAND LE MANTEAU DE DIEU TRAVERSE L’HISTOIRE »
Helmut KOHL est mort le 16 juin dans l’indifférence quasi générale – de ce côté du Rhin au moins. Car nos voisins allemands ont plus d’égards que nous envers les grands hommes, même quand ils ne sont pas de leur pays. À plus forte raison quand il s’agit d’un homme qui a conduit les destinées de l’Allemagne pendant seize années, battant le record de longévité au pouvoir de son ami François Mitterrand. Et cet art de la reconnaissance publique, qui s’était manifesté en 2014 à l’occasion des quatre vingt quinze ans de Helmut Schmidt, ne s’est pas démenti à l’égard de celui qui fut son adversaire politique et son successeur.
Une parole d’Helmut Kohl résume l’intuition fondamentale de sa vie, qui a fait de lui l’artisan de la réunification allemande. La voici : « Quand le manteau de Dieu traverse l’histoire, c’est le moment de bondir et de l’attraper. » Le manteau de Dieu qui traverse l’histoire, c’est l’occasion providentielle qu’il ne faut surtout pas laisser passer car elle naît d’une conjonction de facteurs qui ne se représentera jamais plus. Cette intuition du moment de grâce, le fameux kairos des évangiles, fait les grands hommes d’État. C’est à cause d’elle que le nom de Helmut Kohl restera dans l’histoire européenne.
Il y restera doublement : à cause de l’Allemagne, mais aussi à cause de l’Europe. Helmut Kohl savait, comme tout un chacun, que la monstruosité historique qu’était la division de l’Europe en deux blocs devait disparaître pour qu’elle puisse reprendre le cours de son histoire. Mais il savait aussi que ce travail de reconstruction ne pouvait commencer qu’en Allemagne, puisque ce pays était le seul que la division européenne avait coupé en deux.
Avons-nous aujourd’hui des chefs d’État aussi visionnaires ? Bien malin qui pourrait le dire. Une chose est sûre cependant : le manteau de Dieu traverse toujours l’histoire, même s’il n’y a pas toujours de bons yeux pour repérer son passage.