Chronique du 19 mai 2017
LA CORRESPONDANCE DE L’ABBÉ GRÉGOIRE
Les classiques Garnier viennent tout juste de faire paraître un premier volume consacré à la correspondance de l’abbé Grégoire avec son clergé du Loir-et-Cher, dans une excellente édition critique réalisée par les soins de Jean Dubray, un des meilleurs spécialistes de Grégoire. C’est un événement éditorial et une source très précieuse d’informations souvent inédites sur l’histoire de notre département.
L’abbé Henri Grégoire, né près de Lunéville, est âgé de trente neuf ans et prêtre depuis quatorze ans en 1789, lorsqu’il est élu député aux États Généraux. Enthousiasmé par la révolution, il milite en particulier pour l’émancipation des juifs et l’abolition de l’esclavage, et il est l’un des rédacteurs de la Constitution civile du clergé qui fait des prêtres et des évêques des fonctionnaires élus et leur impose un serment civique – ce statut décidé unilatéralement sera condamné par le Pape et divisera profondément l’Église de France entre « jureurs » (favorables au nouvel ordre des choses) et « réfractaires » (hostiles à celui-ci). Grégoire, pour sa part, prête serment sans réticence, et il est élu évêque « du Loir-et-Cher » comme on disait à l’époque.
L’abbé Grégoire ne connaissait pas le diocèse dont il avait désormais la charge. Ses premières lettres à son clergé sont surtout des demandes d’informations, mais au fur et à mesure de la lecture, on perçoit à la fois un vrai pasteur, soucieux du bien de ses fidèles, et un homme dont les choix ne sont pas toujours exempts d’ambiguïtés (comme lorsqu’il reste silencieux devant les persécutions qui se déchaînent contre l’Église). En même temps, c’est un homme courageux qui n’hésite pas à braver la Terreur, continuant à siéger à la Convention dans sa tenue d’évêque, et en arborant la croix pectorale que la laïcité de notre siècle a cru nécessaire d’effacer de son portrait sur le fronton de la bibliothèque qui porte son nom à Blois.
On lit avec grand intérêt ce premier volume, et on attend avec impatience le second.
By H. Rousseau (graphic designer),